Extrait M'être - Non opinari, sed scire

07/03/2016 11:01

Préface.

Depuis la nuit des temps, l’Homme se pose un certain nombre de questions. Deux d’entre elles sont : « Pourquoi quelque chose plutôt que rien ? », « Être ou ne pas être ? ». Bien des gens vont voir dans cette très modeste liste une réduction des questions en une partie des plus congrues. Mais la philosophie porte toujours sur une première et simple question, au premier abord, qui se révèle au fil des analyses être multifactorielle, et finir par recouvrir le tout qui implique aussi  le genre humain. L’être rapidement doit faire face dans l’instruction du sujet mis en avant à l’épistémologie ; cette dernière l’oblige à regarder ce qu’il est en termes de moyens. L’objectivité est dans une subjectivité admise en tant qu’élément incontournable, car là où il y a sujet s’analysant en tant qu’objet, il y a confusion. Pour faciliter sa tâche, l’être voit que d’autres dans l’esprit d’Ockham ont subdivisé l’ensemble. La métaphysique, l’ontologie, pour n’en citer que deux, viennent au devant de la scène pour éclairer le spectateur qui est l’acteur d’une pièce dont il n’est au départ jamais le réalisateur. Il va lui falloir beaucoup de courage et de détermination pour lutter contre ses propres démons qui, en la circonstance, sont alliés avec ceux de la structure, alors que cette dernière lui proposait de regarder tranquillement sa téléologie projetée en séance privée, terré au fond de sa caverne. Sans masque, l’être doit s’en sortir, ne pas attendre l’hypothétique philosophe déjà enfermé lui-même dans son idéalisme rédempteur.  L’Homme doit faire un impossible voyage immobile au cœur de lui-même ; voyage dont le départ et l’arrivée sont en tous points identiques. Le terme est comme pour un jugement, l’instruction permet de comprendre les faits. Le jugement lui-même ne changera pas le passé, mais il permet d’appréhender le présent pour que l’avenir soit différent du passé né de l’ignorance. Chaque génération de philosophes a pu bénéficier des fruits du travail de ses prédécesseurs, s’en inspirer que ce soit positivement ou négativement. Les transformations de l’environnement, l’évolution des sciences ont permis d’ouvrir en grand des portes que l’intuition des premiers philosophes avaient entrouvertes sans preuve.    

La logique a renforcé les conclusions énoncées par certains, avançant des syllogismes par leurs présentations assurées de leurs représentations, des certitudes inattaquables. Mais même les murs les mieux construits finissent par souffrir de l’usure du temps. Les verdicts nés de prémisses majeures ont validé des preuves formelles, sans que personne dans un premier temps ne se pose de question sur la validité même des supports de construction. En analysant nos jugements dans toutes leurs phases, on a pu se donner un fil directeur de la création de nos concepts, en liminaire en termes purs transcendantaux, puis synthétiques empiriques. Il fallut pour cela une révolution, dont son instigateur a dit quelle était copernicienne. Une révolution appelle un retour, de même que : « mettre le monde à l’envers » dans les pas d’un autre philosophe allemand. De l’âme à l’âne que fait marcher à reculons Montaigne, le retournement des choses permet de visualiser le réel qui peut leur être attaché.

L’enracinement et l’attachement de nos dettes sont nés dans des créances ouvertes à la genèse de ce qui nous a fait tels que nous sommes. La mort fut le nom donné au premier trouble de l’être humain, et il perdure toujours en nos esprits tourmentés. Hamlet ne crie pas « amor fati », mais parle haut et fort d’obstacle par la mort. Un des problèmes majeurs de l’Homme est généré par ce sujet qui le transforme en simple objet devant retourner à la terre. La prémisse majeure appelle une prémisse mineure qui creusa dès les débuts du néolithique dans les premières tombes les fondations d’un idéalisme salvateur. De la première tâche qui montre que l’être prend conscience de soi, l’Homme en déduira non la puissance en acte, mais une tâche originelle inscrite dans l’écorce divine d’un arbre de la vie imaginaire arrosé chaque jour par la structure qu’il a lui-même contribué à faire naître. Elle-même sui generis,  s’est élevée au-dessus des Hommes, et dans son ombre transparaît le phantasma d’égalité. L’humanité y perd sa liberté,  y gagne le pain, le pouvoir en croyance sur le monde, pour au final perdre la foi en le dieu qu’il a été à l’image de son créateur, abjurant cette dernière pour le dieu pratique et justificateur du tout. Maintenant, il peut être sans question et sans trouble, même sa souffrance absurde est justifiée. Il peut en souffrir en une divine ascèse où il en oublie parfaitement content et heureux l’immense privilège qui lui a été donné par la véritable providence fille du Big-bang. En regardant le ciel étoilé, il oublie comme aurait pu le faire Mirabeau les désirs qui généalogiquement y sont attachés. Il peut voir l’inéluctable finalité du contrat dans la confuse poussière ultime résultante de la dette, démonstratrice de sa limitation additionnée de faiblesse et visualiser consécutivement son corps absolue contingence, mais lui montrant l’infini privilège dont il profite à chaque instant.

Sentir, entendre, toucher et voir, verbes qui étaient en premier, par les sens attendaient la flamme de vie pour l’embraser à même son essence, mais l’Homme préfère s’attacher ou ne pas se libérer des chaînes qui le lient à ses désirs, par manque de volonté. Non seulement il ne cherche pas à s’évader, mais il a créé des structures qui l’enferment comme un sanctuaire où ses liens sont sacralisés. La boucle est bouclée, le bonheur est simple, il est plaisir, ou volupté. C’est un mauvais calcul où le résultat est confondu avec les éléments constitutifs de l’opération, pour se dédouaner, qu’il nomme divine. Seule la comédie est divine. Telle est la facilité de n’être que spectateur du grand spectacle de la vie : croire que jamais on ne mettra les pieds sur les planches de salut tendues par la structure. L’Homme est un pauvre aveugle volontaire qui a mis lui-même en place la chimère qui l’emprisonne en ses griffes et lui inocule un poison anesthésiant et euphorique à la saveur de dopamine annihilant le goût du réel.

L’éveil est possible, encore faut-il le vouloir. Par la volonté en puissance, née d’un profond désir de changement, il va redonner à l’être la maîtrise de son odorat, de son ouïe, de son toucher et de sa vue, acte premier pour retrouver sa raison. A ce point d’une réelle révolution pleine d’authenticité, l’être peut advenir depuis le rien au pied du néant. La métamorphose en action rime avec métaphysique, ontiquement parlant. Il peut se rire d’une ontologie qu’il sait profondément aveuglée par une cécité mentale qui lui fait croire mantiquement que l’onomatopée recouvrant le signifié de confusion cache en elle la solution d’un « avec » symbole d’attachement. Il lui faut désynthétiser, un vrai changement de « déréliction » à lui, jeté involontaire au monde, et faire une désintégration, une déstructuration. Certains, comme mal compris, l’ont fait au marteau. En cassant la surface réfléchissante pour ne point nous troubler plus, l’être peut voir apparaitre en la structure les maux qui le retiennent prisonnier. Lui qui s’est tant trompé, qui s’est fait gemmologue par sa cupidité et pour conjurer la poussière en devenir, il lui fallait advenir généalogiste et paléontologue nominaliste. Là en analysant, au plus haut comme il se doit, sur la montagne loin des Hommes, il aurait vu que la nature crée elle-même la confusion, au point que Spinoza malgré son métier vivrier y voit double, reliquat d’une dualité totalement acceptée en le Un aux trois hypostases. Au cœur des choses, par ce qui est le cas, vit la fusion, la terre ou la nature qui est autour n’est pas avec, mais partie prenante et intégrante d’un tout, lui-même en inclusion d’une totalité qui nous dépasse. L’Homme a et a eu tellement peur de sa chute qu’il s’est accroché à la première planche de salut, poussant celui qui s’y trouvait déjà sans entendre, sourd qu’il est, les cris de l’être lui indiquant le rivage tout proche. Connaître les causes qui nous déterminent aurait permis à l’Homme d’occulter son archéocortex qui le maintient dans la préhistoire de ses appétits. Alors imaginez que s’il n’entend pas l’être qui l’interpelle comment peut-il fouiller le chantier des mots, dont l’itérabilité vibre encore des traces du passé des autres. L’illusion hypnotique de la structure commence dans les maux pour se finaliser dans les mots offerts aux Hommes tel un pharmakon. En premier était le verbe lui assène la structure en utilisant le symbolisme, alors qu’en premier est l’action, car l’inaction est le dernier poste frontière avant le pays d’Hadès. Une histoire symbolique de verbe, qui a transformé l’être en avoir pour permettre à l’être d’annexer des objets réellement inaccessibles au même titre que la super-structure,  nous maintient  dans la minorité pour satisfaire à la totalité.   Aux portes de l’enfer initié par les autres se dresse l’illusion que seul le m’être peut dévoiler.  Il faut un désir profond de renaître, ce qui le condamne à tout abandonner sans rien quitter. Le voyage immobile commence là où le dasein semble se montrer en la lumière. De l’audace pour savoir que son primo « çavoir » doit être vaincu par la bête qu’il aura apprivoisée. Combattre est sa destinée, c’est écrit sur son contrat terminant par une absolue absurdité qu’il lui faudra être fier de gagner. La vie est exaltation, métamorphose en un deuxième-né conceptualisée dans l’antre humide et chaude de ses doutes reproducteurs ; elle est débordements, sans lesquels le fleuve ne peut dispenser les fertilisants dans les terres arides qui jouxtent la quotidienneté de ceux qui n’ont pas jugé bon d’oser savoir et dévoiler la vérité. Hodler nous  montre, dans l’esprit de nos propres faiblesses à ne pas résister même à la plus faible des trois tentations qu’à subit le Christ, qu’il est plus facile de se détourner, de faire une révolution incomplète, pour être certain de ne rien voir ou avoir à faire,  se voiler la face par peur de notre propre image en réflexivité.

L’être après s’être préparé, à avoir mis « bât » par la charge acceptée ; l’animal qui est en lui  pour le voyage et le combat, peut partir pour lutter contre le dragon. Une fois vainqueur et devenu m’être en soi de lui-même, en un lieu opposé à la chose, là depuis le rien, il accepte le privilège comme un cadeau, comme un « par-don » qui n’appelle pas de question juste de la satisfaction sœur de la joie, synonyme de bonheur, vers un eudémonisme flamboyant. Le plaisir peut-être là aussi, mais il est et restera un simple marqueur à l’odeur de neurotransmetteurs, une fois décrypté. La découverte pour le m’être n’en n’est pas une aux sens premiers, mais bien une déchirure salvatrice du voile qui recouvrait l’être, un voile d’une finesse telle que seul le m’être se doute de son existence. Le m’être transcende ce qui est immanent en lui : pas de transitivité mais une « trans-action » première en soi, entre deux états ayant le(a) même capital(e), sans créance d’aucune sorte, pour au terme s’avouer en tant que m’être, au cœur d’un jugement dont l’instruction est inconditionnelle : « l’être est d’une complexe simplicité » ; un oxymore révélateur de l’intuition qui est déjà en vous ; et pour une ultime gésine qui mettra au monde de chacun, par une maïeutique de vérité, un eudémonisme qui aura comme axe central le bonheur comme souverain bien, où ce dernier sera vassal transcendant à toutes actions.