Article : Principe d'ontologie

21/06/2016 16:46

Un nouveau matin !

Toute philosophie démarre par un questionnement. Cet aphorisme serait réducteur si la question était un concept fermé, comme sacralisé. Un questionnement est un combat contre soi-même, contre sa paresse et ses faiblesses, contre l’autre, dans sa mise en doute, pour obtenir une réponse.  La question dans son axe substantivé est déjà la marque fondamentale de la dialectique et la volonté de mise en lumière d’un objet. La question est un retournement laissant entrevoir, au-delà d’une révolution, le doute prémisse du scepticisme positif. La question par essence est le refus d’un préjugé, elle est déploiement de l’être, symptôme de sa sortie de la quotidienneté. Elle est aussi une objection à la propriété comme substance d’une finalité. L’être qui fait encontre au questionnement s’oppose à la confusion pour peu qu’il prenne acte de son unicité.   

Synthétiquement parlant la question est le retournement du monde, en tant que vérité à dévoiler. Elle est déjà analyse d’une doxa extirpée des dogmes en croyance. La question doit être pure,  de caractère transcendantal et surtout empreinte d’authenticité. L’effort pour la concrétiser est la caractéristique d’un être « sur-humain ». Bien des intelligences ce sont confronté à elle. Pourtant dans l’objet de la question généré par l’humain apparaît les gènes de la confusion.

Nombreuses ont été les interrogations dont les réponses bien que brillantes, aux sens des lumières, se trouvent obscurcies par l’intersubjectivité et l’habitus, obérant à ce stade les limitations des sens imposées par le corps lui-même.

Wittgenstein  a bien vu les limites du langage. De la façon la plus naturelle, il l’explicitera en liminaire d’une de ses interventions. D’autres dans les pas de leurs prédécesseurs acteront des seuls représentations disponibles à l’esprit pour critiquer. Même un maçon sait que ses briques doivent être de qualité irréprochable pour que sa construction traverse les époques.

Dans votre esprit apparait peut-être à la question : « Ethics is the général enquiry into : what is goog ?». Cette mise en avant, du questionnement du Professeur Moore par Wittgenstein, pourrait être reprise ici. Dans les pas de Descartes prenons une bougie et depuis notre balcon laissons le passant disparaître dans la brume, déjà habité par Dieu. L’homme doit être admis, hors l’instinct naturel, stades premiers inhérents à la théorie de Dabrowski, comme un être de jugement. Que ce jugement soit utilitariste, il n’est point à en douter face à notre plasticité neuronale. Heiddeger nous invite en un lieu où règne le rien, vous invitant à être comme Socrate l’atopos, nous n’y mettrons qu’un pied d’appui pour rebondir vers d’autres cieux, niant ceux de Platon.

Première étape est de rien prendre pour vrai. D’utiliser un doute salvateur qui nous ramène sur le champ de bataille où courre déjà le « bon » dénommé « good » à la genèse de la question. Une réduction phénoménologique s’offre à nous, comme elle aurait du s’imposer à Descartes s’il avait relu sa lettre à Elisabeth. Un fait, sans baguette, source d’incompréhension, nous dirige vers la généalogie même du mot source de maux pour les acteurs de la représentation interprètes principaux de la pièce qui se joue pour le moi. Cet ego, que nous nommerons soi par respect pour la méthode et l’auteur du livret.

Soi met donc le monde entre parenthèse et constate sa réflexion. « Soi » immédiatement s’accroche à son image dans le miroir. Et de cette image spéculaire, il en déduit l’autre. Par simplicité, il le désignera sous le nom de corps, pour marquer la différente avec lui. Au même titre qu’il ne voit pas dans l’analyse du phénomène ses propres yeux agissant, il ne verra pas plus le « avec ». Comme d’autre obnubilé par le « ergo », réduiront le temps en variable a priori pour transcender la réalité. Comme pour Dieu auquel on prête l’existence par le « avec » au reflet de maius copulant avec son potentiel attribut.

Ainsi il va de soi, en cet instant que l’être obérant son corps oublié purement et empiriquement dans l’absolu de sa propre réalité efficiente.  De sa réflexivité, il va tirer un « sum » qui contient déjà en son concept le je en action d’être. Soi fait face en immédiateté de son existence ; grâce à sa réduction intègre en conscience ou con-scire de soi, une totalité en acte dont la résurgence est cet être-là, soit il casse le miroir, bouée source de sa palpabilité réflexive et donne à sa conscience matérialité d’âme libre dans un premier temps, puis la lie par un nœud gordien à son Dieu.

Comment ne pas être trompé, même sans la présence d’un démon ou d’un diable[1] que l’on écarte de son esprit ? Comment ne pas tomber dans les mailles du filet fait du même fil torsadé servant à confectionner le voile qui recouvre le vrai ? Si c’est Dieu qui nous induit dans l’erreur, faut-il penser que l’erreur est humaine et que Dieu ne nous a pas fait à son image, mais bien le contraire. Et que notre peur, assoiffée d’immortalité, est le démiurge premier avec comme attribut la porteuse d’infini : j’ai nommé Stultitia. Moria a tant de noms, mais celui d’aliénation est le plus vivant, le plus réifiant de toute la création. Aliénation porte en elle le transfert, l’inféodation à un autre, en donnant sa propriété. En donnant son âme à Dieu, avec comme justification qu’elle n’a jamais été à soi, est une preuve en elle-même par réflexivité.   

Au forum de son esprit le procès est perdu d’avance puisque le propriétaire désigné trouve en soi le meilleur avocat. Rhéteur comme pas deux, prouvant que le noyau de lui-même n’est pas le fruit de ce qu’il est. Et que même si cela était le cas, la parabole de semence, évoquée par Paul,  prouve par la disparition et la naissance d’une autre plante l’immortalité. Et donc ce qui est valable pour l’Un et possible pour l’autre, étant parti intégrante du Tout.

« Un certain mauvais génie, non moins rusé et trompeur que puissant, a employé toute son industrie à me tromper » disait Descartes, mais ce génie n’est que nous-mêmes aveuglé par notre ego. Notre volonté est de prouver l’existence de Dieu, l’irréalité de cent thalers possibles déconcerte, mais aliquid quo nihil maius cogitari possit[2] se pose en preuve. Mais dans l’énoncé le maius appelle Dieu à grands cris. Comme les triangles ont donné le nom de Triangle à leur Dieu. Ainsi en formulant le aliquid donne vie à un possible, Liebniz fera le reste.

Mais ces preuves ne passent pas l’ordalie[3] du doute. A ce stade rappelons que dans un esprit ouvert, nous intégrons l’apophatique pour ne pas laisser le mauvais génie en possible interaction, en effet le doute est une imperfection, comme on donne à Dieu l’attribution de la perfection, le doute n’est pas divin, mais bien humain. Une épreuve résiste à l’épreuve du doute, celle de la preuve cosmologique, car la causalité implique nécessité de cause première, ne pouvant remonter au-delà d’un certain point, et encore ce dernier pouvant être taxé de fruit de la doxa, une cause première nécessaire à la création dans son entier implique un aliquid.

Alléluia nous avons notre aliquid, d’incertitude par le possible devient Dieu. Mais mon interjection, prémisse de ce quelque chose,[4] qui intègre notre main par habéo[5], met en avant en tant que problema l’objet irrémédiable de nos pensées.

Il m’arrive d’être certain que Descartes lui avait vu ce souci[6], et que son dasein à bien projeté un « cogito ergo sum » pratiquement parfait dans l’absolu. Que le choix du latin, en lieu et place du français, permet d’induire un dasein, par la méditation, depuis le rien, inaccessible au génie, dans un immédiat réifié par ergo et le temps de conjugaison utilisé. Que la langue latine génère un verbe être en action englobant le « je » qui dans le concret de l’action est bien conjoint au verbe. Le quelque chose qui pense là maintenant est bien cet être en son action. L’action n’est qu’un phénomène, un objet en la lumière induisant un mouvement, le fait d’un sujet. En premier était l’action dit Faust, car le verbe n’est qu’une coquille[7] vide. Depuis l’extérieur, lieu de l’existence par excellence, la vie devient phénomène lorsque le corps de l’être sujet apparait en la lumière, vient à l’encontre des sens de l’autre. Mais le « je » doit s’exclure en tant que réalité, ou être en devenir, être une projection ponctuelle de l’esprit.

Le corps n’est pas séparable de son cerveau et l’inverse n’est pas possible dans la vie courante et sans dommage. Que le maître est confondu la mise entre parenthèse avec un rien séparé du corps est un possible compréhensible face au niveau des connaissances relatives aux neurosciences et à l’intelligence artificielle inexistante à l’époque. Le stade d’évolution des technologies et  de la médecine ne lui a offert comme porte de sortie que celle menant à Dieu. Les conséquences logiques se trouvaient de fait en adéquation avec les possibles en sa connaissance. La méditation qui permet d’atteindre le rien permettant de prendre acte de la conscience de sa conscience, n’est pour lui qu’un topos où il peut fuir son génie[8].

Le génie de Descartes ne l’a pas trompé, il ne lui a pas ouvert les yeux sur un possible en réalisation. Cette cécité est de la même trempe que le « il » divin prenant la place d’un sujet humblement devant le verbe pleuvoir. Il existe tant que l’homme ne maîtrise pas la vie de l’eau en notre monde. L’épochè suspend le jugement, mais si les catégories sont mal aiguisées le tranchant n’aura pas la même efficacité.  

D’autres après lui ont laissé parler leur génie, ce dernier leur a laissé voir la transcendance du cogito : un moi pur. Mais à la lumière même faible de la bougie, ce moi montre des impuretés. Elles sont tellement imbriquées que le seul « sum » ergo veritas est ; mais ce je suis n’est donc, immédiatement vrai qu’hors même la pensée. Le « sum » est apodictique pour que le cogito sistere additionné d’un préfixe « in » ayant le goût de « uni »[9].  

A la lumière de ce nouveau matin, l’existence porte en elle un être qui se déploie en le monde conscient de sa conscience. Un être pensant qui se sait existant dans cette immédiateté hors la quotidienneté. Une unité d’où ressort, en un jaillissement ponctuel, un être-là factuel et insaisissable. La plasticité neuronale confirme un être-été en perpétuel changement qui transparaît à chaque fois différent et pourtant lui-même. L’être est action et l’action est perpétuellement en mouvement. Une action immobile n’est qu’un fait, l’être lui n’est que devenir.   

   

   

  



[1] Scholie : après la lecture de La République, X de Platon  il faut la chance d’un Glaucon pour ne pas ignorer la présence d’un génie, il faut ne pas avoir bu l’eau de Léthé. Descartes sait qu’un possible génie peut nous tromper pour que notre destinée s’accomplisse. Faut-il y voir un homme conscient d’être un déviant.

[2] Nota bene : Possit se trouve être le verbe latin pouvoir au subjonctif, temps qui marque le doute-le souhait-le désir, l’émotion, le verbe possum lui peut-être transitif ou intransitif. En d’autre terme, ce verbe introduit la formulation « peut ne pas être ». Ce syntagme est la marque de la contingence. Diodore de cronos apparait en incrustation dans l’aphorisme de Saint Anselme, rendant le possit nécessaire.

[3]  Nota bene : L’utilisation de ce mot empreint de l’action de Dieu montre qu’il est facile de se laisser glisser dans l’intersubjectivité. Si St Anselme avait gardé la même neutralité que dans l’utilisation de nihil pour celle

[4] Nota bene : alléluia par départ de son étymologie grecque se trouve en rapport avec Dieu, yad formant le suffixe du mot grec.

[5] Habeo verbe avoir qui trouve sa source dans la main généalogiquement parlant. Hăbĭlis doit vous parler plus clairement ; ce dérivé montre bien la prise en main, la possession.

[6] Le souci : Heidegger depuis la facticité, nous renvoie à notre propre contingence que le souci réifie.   

[7] Scholie : l’utilisation du terme coquille, pour éviter le mot corps qui nous replongerait dans une âme ou un esprit sujet initiant le corps. Pas de dualité donc ici.

[8] Scholie E.Gilson a parfaitement saisit ce point : « Représentons-nous Spinoza devant la tâche d’interpréter et d’exposer la pensée de Descartes. Il va d’abord s’oublier lui-même et mettre entièrement son génie au service d’une pensée à laquelle il doit tant, mais qui n’est déjà plus la sienne, exemple à méditer pour les historiens qui ne savent pas toujours le faire, bien qu’ils n’aient souvent aucun génie à oublier. » (E. Gilson, « Spinoza interprète de Descartes » in Etudes sur le rôle de la pensée médiévale dans la formation du système cartésien, 3e éd., Vrin, 1967, p. 305).

[9] Scholie : un préfixe ek aurait pu être employé si nous avions la certitude de marqué l’action totalement intégré au corps.