"ε " ou "tu es" ouvrage de philosophie première

20/12/2017 18:34

En avant première voici la couverture du prochain ouvrage qui sera accessible au public début juillet, à suivre un extrait

 

 

 

Voici un extrait du prochain livre à paraître "ε " ou " tu es " est un ouvrage qui porte un nouveau regard sur le poème de Parménide "de la nature".  

Diakosmos -  transmonde.

Purification phénoménophrasique.

 

Dans le présent, il ne vous sera pas exposé l’évidence que deux mondes sont présentés en  le poème : l’un fait de vérité et l’autre constitué sur la doxa ou opinion des mortels. Les vers soixante et soixante et un, du fragment VIII en sont la frontière phrasique, participant à la circularité par la porte du jour et de la nuit de l’autre côté. A ce stade, il ne faut point regarder au-delà du texte, mais bien en-delà. La narration offerte par Parménide est d’une puissance sans faille par l’énonciation.  Les soins et la thérapeutique commencent à être prodigués, en l’énoncé, bien avant l’établissement de l’ordonnance de la déesse. Le langage est la maison[1] de l’Homme, alors le maître d’Elée va utiliser deux de ses briques de fondation.  Le « je » et le « tu » vont s’inclure dans l’auditeur ou le lecteur par un vocatif de façon insidieuse[2]. Un focus sur le texte laisse apparaître le « je » au vers quatre du proême. Ce « je » en inclusion fait contraste avec le moi mis en avant dès le premier vers et qui sera le personnage de fiction, abritant le « je »  jusqu’au point important qu’il faut saisir, à l’instar de Kairos.

Le « je » ouvre la marche sur la voie unique, puis se métamorphose en un « tu » en la voix unique de Korê qui lui donne vie. « Je et tu » communiquent du même. Si cela est présent dans l’énonciation, c’est bien pour renforcer la narration qui donne existence au « ε » ou « tu es ».

Le « persona-je [3]» transparaît par le masque du moi qui en somme subit l’action qu’il a initiée en la « voie » criante, bien au-dessus des sons qui l’entourent. Le myste par la voix, se voit arracher au masque qui obture sa vision. Le « tu » advient, pour être et devenir : ε.  La déesse c’est le vocatif qui interpelle, qui apostrophe l’auditeur dans une épochè qu’offre la proximité du cœur de la vérité. « Il y a » renforcement de l’eksistence par le « je » transcendant découvrant ainsi le « tu » immanent qui peut réellement prendre acte de son existence dans l’être de l’étant qu’il est.  L’auto-référencement à la vérité, en tant qu’être dans le phénomène, dégage le signifiant et le signifié, pour que l’être qui pense soit au cœur du penser en l’être de l’étant qui est.

Soyons encore plus clair, le premier « je »  est déictique, au sens où l’auditeur embraye son action en lui-même[4]. Locuteur et allocutaire[5] conduisent maintenant le même char pour traverser un monde qu’ils partagent. « Je » est un concept particulier, comme un char, il ne prend vie que par celui qui s’y installe. « Je » n’a pas de signifié, il devient sujet et vassal subjectif de celui qui l’utilise comme instance[6]. « Je » est donc un  concept général, sans chef pour le commander, c’est le vide naturel qui inspire celui qui passe à sa portée.

Le « tu »  distingué pronom, interdépendant du « je », comme l’image du miroir de l’être présent. « Tu » est harangué par le « je »,  et ce dernier, en une allocution, l’élève en la dignité de l’être. « Tu » prononcé a une fonction illocutoire[7] qui appelle, en tant que concept de toutes ses griffes, le « je ». Dans l’esprit de Benveniste, ces deux pronoms interpellent en intériorité et en extériorité du texte. Le « je » inspire l’être qui écoute et l’aspire dans le chronotope ouvert devant lui. Au milieu de ce continuum, donc bien à l’intérieur, depuis cet « en-droit », par Dikê, le « je » inspire l’être en exprimant un « tu » par lequel maintenant il « res-pire ». La chose prend vie, par un percoluctoire que l’allocutaire s’appro-prie. Le « tu » n’existe que par la vie qui s’exprime en le « je ». Ainsi nait le monde par la génération de ce couple premier. L’immanence du « tu», par toutes ses griffes tendues, appelle donc la transcendance du « je » sans qui il reste un concept vide. Dès que le « je » est écrit à l’intérieur d’un texte, il donne vie à l’extérieur à un « tu » et l’inverse est en puissance. L’hétérogénéité qui transparaît au prime abord est trompeuse, et cache une homogénéité de tous les instants. Comme l’énonciation de « je suis, j’existe » ne peut être dissocié du soi qui pense dès qu’il l’exprime.

Au cœur de la vérité qui ne peut mentir, la déesse est maintenant ce « je » qui transcende, en tant qu’il précède, par le « tu » qui expérimente. La vue, le toucher, et encore plus l’en-delà du phénomène que vit le « tu », l’être de l’étant et le penser deviennent autonome par la connaissance de la loi qui l’enserre. La déesse d’ailleurs lui explique qu’il faut penser autrement, mais aucunement n’est suggéré que l’on peut arrêter de penser pour un être. 

En ne s’exprimant pas, le kouros repousse la symétrie du couple « je, tu » hors du centre du poème. A la vérité, il emprunte le a privatif, contenu dans alètheia, pour former l’asymétrie[8] qui ressort de l’intérieur du rapport.  Ici le myste n’existe et ne peut exister hors, comme un observateur extérieur, il ne peut être qu’en-de-là, au cœur de l’action initiée par le maître. En ses profondeurs, le myste perçoit le soi par la médiation du « je » de la déesse qui a bien fait naître l’être en devenir. En passant la porte du jour et de la nuit, le héros va à l’encontre de l’autre par l’entremise de la déesse, il s’arrache à l’autarcie née de sa quotidienneté nourrie au lait d’habitus et d’opinion.  

Le rapport physique instauré après la porte n’est pas celui d’une relation avec un « il » impersonnel, mais directement avec Théa qui le prend en main. Le « il » de déification est annihilé, au profit du « je » déictique qui en son for intérieur ouvre la voie d’un monologue pouvant être repris par le myste. L’initiation réussie permet à chaque épopte de se répéter l’ordonnance, un « je » ou un soi[9] conscient qui s’adresse à un soi intérieur[10] qui « est » son hôte.  

Par un dialogue intérieur, il traverse son monde et peut dire « ε » qui sous entend Tout.

Si vous interprétez bien, le « tu » existe parce qu’il y a « je ». « Il y a » quelque chose par la présence d’un être qui est l’autre. La réduction du problème majeur, ou question dominatrice, « pourquoi existe-t-il quelque chose plutôt que rien ?» prend sens. L’interdiction absolue du non-être soustrait irrémédiablement le rien de l’équation. De fait « il y a » parce que il y a de l’être au sein de l’étant. L’être et le penser étant le même, impose la compréhension qu’« il y a » parce qu’il y a le penser. Le sens de νόημα[11] coule de source diakosmos et par sa limpidité se déplace le voile.

Le poème offre les moyens thérapeutiques, avant l’ordonance. Dans celles-ci la purification phénoménophrasique, dont nous venons de voir un des points à travers le « je et tu », en est révélatrice. L’image de l’être ne peut être atteinte qu’après avoir embrassé Hygie. Cette purification ouvre les portes de la philosophie de l’imagination Kosmique, étape essentielle pour l’accès au logos. Cette hygiène première effectuée, celle liée au κόσμοϛ ἀπατηλόϛ, monde trompeur n’en sera que plus facile.  Ce qui doit être atteint c’est le cœur bien rond. Parménide emploie bien εὐκυκλέος[12]

Pour s’emparer de la phénoménologie du rond, il faut se purifier, l’accès au logos est à ce prix. L’éléate aurait pu utiliser la sentence « άγεωμέτρητος μηδείς είσίτω »[13]. Beaucoup ont argué que les  mathématiques sont une propédeutique à la philosophie. Mais si nous inversons les problèmes, nous pouvons avancer que seul celui qui connait un objet peut en parler et l’utiliser. En d’autres termes, il n’y a pas d’illusion possible le concernant sur l’objet de sa science. La sphère ou le rond qu’utilise le géomètre est connu de lui comme étant une représentation, rien de réel. Ce rien étant sous le joug de l’interdiction, le géomètre évitera toute sophistique pour appréhender la phénoménologie du rond. Le rond n’est pas qu’un cercle, il est empli de vie dans le cosmos.

La question posée par Bachelard[14] « Comment résisterions nous à enrichir l’image de l’être parménidien par les perfections de l’être géométrique de la sphère ? » : par une purification phénoménophrasique, avant d’entrer dans l’aire du logos. Ainsi, le maître d’Elée devancier confirme l’aphorisme du Baralbin : « Cette rondeur de l’être, ou cette rondeur d’être qu’évoque Jaspers ne peut apparaître dans sa vérité directe que dans la méditation[15] la plus purement phénoménologique. [16]».

Le transmonde mis en œuvre par Parménide supprime bien tout intermédiaire dans l’approche phénoménologique tant sur l’externe, que sur l’interne dans sa plongée dans la cavité de la jeune femme. En incorporant la rotondité de l’antre de Korê,  le héros par sa main entre en contact direct avec l’être. Le direct, en un dernier coup de la main[17] droite, asséné par la déesse, le déphilosophe[18], le dépsychanalyse[19], et ainsi, il peut se rendre compte, du dedans,  que l’être est rond. Toute la poèsie de la vie est là.

Le rond ouvre la question ou est la réponse portant sur l’être ? Dans un sens ou dans un autre, il clôt l’espace sur le fini et repousse l’infini. Car au final, Bachelard le dit si bien « dans l’infini on n’est pas chez-soi ! ».



[1] Scholie : Parménide montre avant l’accès à Korê, que les clefs sont les mots qui ouvrent les portes de la vérité. En effet comme développé plus avant dans le présent, point de serrure, mais une barre de fer qui est enlévée après dialogue, voir vers 15, fragment I. Le logos ou les douces paroles au sens conformes. Le maître d’Elée signifie que les mots maintenant après la porte sont substantivés. L’autonymie si prompte, si vraie, pour l’enfant1 qui advient, se doit d’être prise en compte. La phénoménophrasie consiste à regarder les actions en détail qui découlent de ce qui est dit, l’accès au métalangage est à ce prix. La phénoménophrasie peut travailler : précisément2 sur φωνη µετα φαντασιας.

1 L’article « La proprité réflexive du langage : quelques manisfestations du fait autonymique dans l’acquisition du langage » par Rosa Attié Figueira, permet d’appréhender l’autonymie dans son approche par l’enfant relativement au kouros.

2La précision d’un rasoir.

Ironie : Le m’être ne confond pas la lumière du logos, et l’éclairage du nóos en sa dernière demeure, même quand il est un être-le-las. Le sage sait que la première oblige à un effort, et la seconde à un nez-fort.

[2] Cf. Voir histoire chauffeur de bus expliquée par ailleurs dans le présent.

[3] Formé sur la base de persona, cf. dictionnaire Gaffiot, page 1160.

[4] Similarité neurones miroirs

[5] Destinataire du message.

[6] Métaphoriquement organisme qui a pouvoir de décider ce qui est le cas. Renvoyant à cas et manifestation, plus lisible en anglais, invitant à se remémorer les mots de Wittgenstein au 1 du Tractatus logico-philosophicus « Le monde est tout ce qui est le cas. »

[7] Cf. Théorie de John Langshaw Austin. Scholie : la fonction illocutoire porte un au-delà de la proposition énoncée. Démonstration : la question « Est-ce qu’il y a du poivre ? » porte sur la demande de se voir donner du poivre pour assaisonner ses aliments.

[8] Pour que vous puissiez visualiser, l’asymétrie ressort  en pensant simplement que le « tu » ne peut exister que par la prééminence du « je », sorte de droit « d’est-né » avant. En allant plus loin, « tu » ou soi existe dès que « je » prends conscience de le dire en pensée.

[9] Pour mémoire, le soi est un moi conscient débarrassé du masque ou persona dont s’affuble  tout être qui s’ignore. 

[10] Scholie : La révélation qu’initie le « je » s’éclaire en l’additionnant à un aphorisme célèbre. Je te le dis, « deviens ce que tu es quand tu l’auras appris 1 ! ».

1 Pindare « Deviens qui tu es, quand tu l'auras appris / Γένοι’ οἷος ἐσσὶ μαθών. », Pythiques, II, vers 72.

[11] Cf. Bailly 1339.

[12]  Le préfixe εὖ, , bien additionné κυκλέος qui renvoie au sens circulaire : bien arrondi ; donc parfait. De là à dire fidèle ou finaliser que sur le concept sphère ou rond c’est se positionner loin de l’être.

Scholie : En positionnant la vérité au cœur du poème et de l’action, l’éléate en fait un point central d’un univers homogène et isotrope. L’interdit qui découle de l’être de l’étant par le penser est le principe premier ; toutes les pensées trouvent en leur sein le principe premier. « Il y a » une distributivité qui laisse penser que toutes les vérités tournent ou gravitent autour de ce principe premier qui est la vérité première.

[13] Aphorisme que l’on prête directement à Platon. « Nul ne doit entrer s’il n’est point géomètre ». Cf. Saffrey Henri-Dominique. Ἀγεωμέτρητος μηδεὶς εἰσίτω. Une inscription légendaire. In: Revue des Études Grecques, tome 81, fascicule 384-385, Janvier-juin 1968. pp. 67-87.

[14] Cf. Poétique de l’espace, chapitre X.

[15] Scholie : Dans les traces de Parménide : Etape I Instruction. Etape II Délaissement ou voyage d’un homme libre. Etape III Purification phénoménoprhasique. Etape IV Acceptation du jugment de l’autre et objectivisation. Etape V Méditation couvrant la maïeutique de renaissance et l’accès à la vérité de l’être.

[16]  Ibid.                                            

[17] Ironie : Certains en balayant, d’un revers de la main, la tabula n’ont pas su com-prehendere qu’ils avaient déjà touché de l’être.Pourtant l’  « être-sous-la-main » que l’on est est toujours déjà là ouvert à la com-préhension.

[18] Scholie : C’est un enfant qui est en présence de Korê. L’état de maturité est repoussé, pour la pureté de l’enfant.

[19] Scholie : L’utilisation unique de thumos, par Parménide, repousse Psyché, la mort dans l’âme, Sartre en est témoin, loin de l’être. Pour rester hors des sentiers battus, Eros, son époux se voit refouler et avec lui les idées de caresse, de sexe et autres interprétations des psychanalystes. Nous n’oublions jamais que ces derniers focalisent sur Oedipe et oublient Télémaque (Ithaque…).